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Être gourou, ça se paye ! Dans le portefeuille des charlatans

29 août 2024 par
Elise do Marcolino

Les dérives sectaires ont un coût, pour leurs victimes autant que pour les gourous. Pour se former, s’équiper, créer des groupes crédibles… les charlatans sont prêts à débourser des sommes astronomiques. Décryptage.

Si les gourous sont réputés pour leur habilité à se faire de l’argent sur le dos de leurs victimes, ils doivent d’abord effectuer quelques investissements. Difficile de s’improviser charlatan. Pour avoir l’air crédible, proposer des prestations au mysticisme convaincant, ils doivent passer par la case paiement. 

Des équipements coûteux 

Les “dérapeutes” - la contraction de dérive et de thérapeute - sont les premiers à débourser d’importantes sommes d’argent pour lancer leur business. Prenons l’exemple d’un naturopathe qui veuille ouvrir son cabinet, à domicile, de “diagnostic de vitalité”. Pour accueillir des patients et leur proposer de détecter les énergies négatives au fin fond de leurs entrailles, il devra s’armer d’un faux scanner ou encore d’un “analysateur quantique”.

Sur le site “Organotest” - une plateforme qui propose des outils pseudo scientifiques - des dizaines d’appareils “magiques” sont vendus. Un “module d’analyse et thérapie à distance” - 640 euros. Il permettrait, à partir de l’ADN, de déterminer de quel mal souffre un individu et comment le soigner. Un “analyseur quantique avec ordinateur” ? 4 080 euros. Il s’agirait d’un appareil de médecine quantique. Un mot régulièrement utilisé dans le milieu qui n’a aucune valeur scientifique en dehors d’un cours de physique. 

Les charlatans peuvent démarrer avec des revenus plus modestes. Par exemple, pour 89 euros, on peut s’offrir un “stylo d’acupuncture” et commencer à traiter des patients à 80 euros la séance. Rappelons qu’il n’est pas autorisé de transpercer la peau avec une aiguille ou tout autre outil sans être titulaire d’un diplôme de dentiste, médecin ou sage-femme. Moins chère encore, la “bobine ionique de détox”, pour nettoyer ses déchets intérieurs en prenant son bain. 12 euros. 

Coûteuses formations

Et si la plupart des prestations délivrées par les charlatans ne font l’objet d’aucun diplôme officiel, les dérapeutes sont nombreux à afficher des certificats d’études. Sur des groupes Facebook, des naturopathes proposent de former de nouvelles générations hors du cadre classique qui impose 1 200 heures de formation pour pratiquer cette médecine alternative. 

Les publications ressemblent étrangement à des systèmes pyramidaux. A comprendre : une personne vend une formation à deux personnes, qui en revendent pour un coût inférieur à deux personnes chacune, et caetera. Ainsi, plus on s’éloigne du sommet de la pyramide, plus de formations sont vendues, et moins chères elles le sont. 

L’un de ces charlatans propose tous les jours sur un groupe rassemblant près de 3 000 personnes des cours de naturopathie. Son but ? “Accompagner activement et avec joie les naturopathes passionnés à se libérer du taux horaire et des consultations one shot énergivores pour se dégager plus de temps, plus d'argent, plus d'énergie et impacter davantage positivement et durablement sa clientèle de coeur”. 

Ses formations, non validées par l'OMNES, l’Organisation de la médecine naturelle et de l'éducation sanitaire, coûtent entre 3 000 et 4 000 euros. Les aspirants payent pour 90 jours d’appels réguliers avec les coachs de la “naturopathie academy”, un ensemble de supports de cours en ligne et plusieurs visioconférences - dont la première est gratuite. 

Le soutien paye

Parfois, les complostites ont des projets plus ambitieux. Pharaoniques presque. A l’image d’Alice Pazalmar, la leader de “One Nation”, nébuleuse conspirationniste qui voulait s’installer dans un hameau dans le Lot. Pour racheter la propriété convoitée, la gourelle était parvenue à rassembler 260 000 euros via une cagnotte. Les autorités locales étaient parvenues à déjouer l’achat immobilier in extremis. 

Même chose pour Thierry Casasnovas, le gourou du crudivorisme soutenu par ses fans. Ils ont versé 175 000 euros sur une cagnotte pour payer ses frais d’avocat après sa mise en examen pour huit chefs de prévention, dont la pratique illégale de la médecine et de la pharmacie. A méditer donc, avant de s’improviser gourou. Peut-être vaudrait-il mieux investir ailleurs.