Les témoins de Jéhovah sont bien connus en France. 136 000 adeptes prennent part à ce mouvement religieux dont les pratiques sont régulièrement taxées de dérives sectaires. En tête de liste, une obscure stratégie d’isolement des anciens membres.
“Impossible d’en sortir indemne.” Les témoins de Jéhovah soutiennent des théories dérivées du christianisme et pratiquent leur religion selon une bible bien différente de l’Eglise. Croyant fermement que la fin du monde est proche, leur but est d’assurer aux “justes” qu’ils auront le droit de profiter de la planète après la disparition de l’humanité. Une croyance qui pousse les adeptes à l’abnégation, au prosélytisme et à l’aveuglement.
Non seulement les membres du mouvement sont à part de la société, mais de surcroît les anciens adeptes sont régulièrement harcelés, menacés, et isolés de leurs proches restés témoins de Jéhovah. Pour quitter le groupe, les repentis doivent être prêts à tous les sacrifices.
Isolation de l’individu
“Il y en a qui se suicident”, à cause de cet isolement, témoigne une ancienne membre, qui désire rester anonyme par peur des représailles. Quand elle a quitté le mouvement il y a 27 ans, elle a dû dire adieu à ses enfants. Elle n’a jamais pu rencontrer ses petits-enfants. “Les instructions de l'organisation sont claires : plus de contact à vie (sauf affaires familiales chez un notaire par exemple) avec celui qui quitte le mouvement, fut-il votre père, votre mère ou votre enfant”, abonde un autre témoin.
Cette stratégie est inscrite dans les textes diffusés par le groupe religieux, elle est régulièrement abordée lors des réunions de ses dirigeants. Des campagnes de publicité sont diffusées en interne afin de montrer aux membres comment réagir si l’un de leur proche quitte les témoins de Jéhovah. Nous avons pu nous en procurer une. Spoiler alert : la consigne est de ne pas réagir, de ne plus donner signe de vie.
La règle de l’excommunion
Le magazine des témoins de Jéhovah, La tour de garde, offre des enseignements intéressants quant à leur manière de traiter ceux qui s’écartent de la voie. “Ceux qui abandonnent volontairement la congrégation font désormais partie de l’antichrist. En reniant la congrégation de Dieu et en abandonnant la voie chrétienne, ils se font apostats. Un chrétien fidèle n’aurait certainement pas voulu fraterniser avec un apostat. Même s’il était l’ami de ce chrétien [...], il n’était pas des nôtres”, peut-on lire dans un exemplaire transmis par un ancien membre.
Quelques pages plus tard, le document ajoute : “Ceux qui cessent d’être des nôtres en rejetant délibérément la foi et les croyances des témoins de Jéhovah devraient être à juste titre considérés et traités de la même façon que ceux qui ont été rejetés pour avoir péché.”
Et qu’est-il réservé aux pécheurs ? L’enfer. Coupés des membres de leurs familles restés dans le mouvement, ils doivent renoncer aux leurs. Après des années parmi les témoins de Jéhovah, ils ont souvent renoncé à des études, leur emploi, leur maison. Tout le travail du mouvement est de couper les adeptes de la réalité, afin de mieux les empêcher de partir. Sans parler des menaces qui pèsent sur les membres “défaillants”, qui hésitent à s’enfuir.
Officiellement, les témoins de Jéhovah ne sont pas reconnus comme une secte en France. Cependant, ils sont souvent épinglés pour dérives sectaires. C’est le cas quand ils encouragent leurs membres à refuser des soins médicaux, tels que des transfusions sanguines, ou encore quand ils incitent des adeptes à quitter leurs emplois pour travailler bénévolement pour l’association. Mais la plus grande de ces dérives, et la plus insidieuse aussi, c’est l’ostracisation.
“Les témoins de Jéhovah enseignent que la Bible encourage à limiter ou à couper le contact avec les personnes qui ont été exclues ou qui ont renoncé à leur foi. Cependant, chaque croyant décide pour lui-même comment appliquer cet enseignement biblique en fonction de sa conscience”, répond l’organisation. La stratégie d’ostracisation reposerait sur le libre arbitre des membres. Libre à eux, donc, d’exclure les “apostats”. En sachant que s’ils ne le font pas, ils se feront eux-même excommunier.