En 2022, Doctolib avait dû exclure de son site de prise de rendez-vous 5 700 non-professionnels de santé. Deux ans plus tard, la plateforme affirme avoir fait le nécessaire pour contrôler les utilisateurs et appelle les autorités sanitaires à prendre le relais.
Aller se faire soigner ne devrait pas être un danger. Et pourtant, en 2022, 5 700 praticiens avaient été exclus de Doctolib car “non professionnels de santé”. La plateforme qui permet de prendre des rendez-vous médicaux en quelques clics a fait le tri et mis en place une “Charte de bonne conduite”. Le but : éviter de mettre en relation des patients à de faux médecins, ou charlatans, appelés “dérapeutes”.
Guérir et prévenir
Un vaste plan en trois parties : prévenir, modérer et informer. Après cette vague de radiation, l’idée était d’éviter qu’à nouveau, des praticiens ne disposant pas de numéro Adeli ou RRPS, puissent utiliser le site pour trouver de nouveaux patients. Ces deux informations, dispensées par les autorités, garantissent qu’ils soient formés et reconnus par des organismes officiels. Pour les autres désormais, impossible de s’inscrire, assure le site.
Reste que certains médecins, qui disposent de ces numéros, peuvent pratiquer des soins “non conventionnels” ou non adaptés à leurs qualifications. “Par exemple la pratique de l'acupuncture par un acteur qui n'est pas sage-femme, dentiste ou médecin, parce qu'ils n'ont pas le droit de transpercer la peau”, nous explique Doctolib.
L’équipe de modérateurs de Doctolib, composée d’une dizaine de personnes appuyée par l’intelligence artificielle, cherche à déceler les pratiques qui sortiraient du cadre ou pourraient représenter un danger pour les patients. “L’hydrothérapie du côlon, par exemple, peut être dangereuse si elle n’est pas pratiquée par un médecin. Il n'y a rien d'illégal, mais on va choisir de la modérer.” Et difficile de suivre l’inlassable développement des pratiques non conventionnelles. Doctolib regrette d’avoir “un train de retard, parce qu’elles changent tout le temps”. La plateforme laisse néanmoins une part du tri à la charge des autorités sanitaires, qu’elle appelle à agir afin de mieux encadrer les pratiques pour chaque profession.
Le ministère de la Santé nous indique qu’il “n’existe pas à ce jour de liste officielle des pratiques non conventionnelles en santé, d’autant plus qu’il en apparaît de nouvelles très régulièrement. Interdire des pratiques dangereuses nécessite d’analyser la pratique elle-même et les conditions de sa mise en œuvre”. Les autorités ajoutent par ailleurs qu’un “Dérivomètre” est en train d’être développé. Il vise à évaluer les dérives et à en informer les patients et les professionnels de santé.
Au Royaume-Uni, un label pour les praticiens
Le National Health Service (NHS), au Royaume-Uni, a créé un système unique afin de labelliser les professionnels de la santé et du soin. De l’art-thérapeute au cardiologue, tous les praticiens sont jugés selon des standards de qualité. Ils évaluent les pratiques et leurs impacts sur les patients afin d’assurer aux citoyens une prise en charge tout en confiance.
Exclusion sans appel
Une fois le praticien identifié par les équipes de modérateurs de Doctolib, une phase de dialogue s’engage. L’enjeu est important. Une personne, une fois exclue de la plateforme, peut perdre un nombre important de patients. Les décisions ne sont pas prises à la légère, martèle Doctolib : “C'est un contrat qui nous lie, qui a un impact très fort sur l'activité.” Les praticiens sont d’abord invités à expliquer leurs pratiques et à les changer si elles représentent des risques : “Il faut qu'on puisse investiguer, dialoguer avec le praticien pour comprendre justement s'il y a danger pour le patient.” S’ils acceptent, leurs fiches de présentation sont modifiées sur le site. S’ils refusent, le contrat est rompu. Et “parfois, ça en vient au dialogue entre avocats”.
Le site estime à 1 %, la part d’utilisateurs contactée par les modérateurs tous les ans. Et parmi eux, la plupart acceptent les termes proposés lors du dialogue. Très peu restent sur leurs positions quitte à se faire exclure. Mais pour la plateforme, “le sujet ne peut pas se réduire au sujet de la modération. Quand bien même un praticien modifie sa fiche, ou est radié de Doctolib, l'enjeu, c'est : est-ce qu'il peut continuer à proposer des rendez-vous ? Il y a d'autres plateformes qui existent et qui ne font pas du tout le ménage”.