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Le guide pour reconnaître les théories du complot

Publié sur midilibre.fr
21 juin 2024 par
Elise do Marcolino

En France, en 2023, près d'un tiers des Français adhéraient à des théories du complot. Entre croyances passives et création de fausses informations, nombreux sont ceux qui pensent que l'actualité est un mensonge. Le chercheur à la Fondation Descartes Laurent Cordonier, spécialisé dans l'information et la défiance envers les médias, nous aide à démêler le vrai du faux. 

Comment détecter les fausses informations que certains cherchent à nous vendre ? Difficile de s'y retrouver parmi les milliers de données auxquelles nous sommes confrontés chaque jour. 

Pour nous aider, le chercheur à la Fondation Descartes Laurent Cordonier nous explique comment les détecter grâce à quelques astuces. Selon lui, une théorie du complot, "c’est une explication alternative aux explications officielles sur un événement important". 

Ces idées vont à l'encontre du consensus. Si on parle de climat, la théorie n'est d'accord avec aucun climatologue. Si c'est à propos d'Histoire, elle prétend démontrer ce qu'aucun historien n'a jamais envisagé. Si c'est sur la médecine, l'Ordre des médecins refuse de l'approuver. 

Soyez sûr de la source 

À chaque recherche sur Internet, la première question à se poser est celle de la source. La personne qui s'exprime doit répondre à trois critères : identification, crédibilité, intentionnalité. Une fois que l'on sait qui parle, la fonction qu'il occupe et qu'on est sûr qu'il n'agit pas que dans son intérêt, on peut commencer à lire.  

Méfiez-vous des accusations

Les complotistes accusent généralement une élite, un gouvernement, un groupuscule... d'avoir crée des complots. Ces termes généraux reviennent souvent, un lexique qui doit alarmer : "nouvel ordre mondial", "pilule rouge", "une élite", "les endormis", "les moutons", "les reptiliens"... Si ces mots font peur, ils sont très abstraits et doivent attirer votre méfiance. 

Paradoxe de ces élites qui tromperaient le monde : elles sont à la fois excellentes et très médiocres.

"Ces théories posent que les comploteurs sont à la fois extrêmement malveillants et extrêmement compétents. Ils arriveraient à organiser des choses très complexes, et en même temps seraient très mauvais. Ils laisseraient derrière eux de faibles traces de leurs actes", explique le chercheur. 

Gare à la preuve fragile

Le gouvernement cherche à tuer sa population ? Le monde est complètement différent que ce que l'on nous a appris à l'école ? Face à des théories aussi lourdes, aussi graves : il faut apporter des preuves tout aussi solides. 

"Les théories du complot se caractérisent par des preuves extrêmement faibles, au regard de la gravité de ce qu'elles dénoncent."

C'est l'une des grosses lacunes des théories du complot. Il s'agit d'accumulations de petites anomalies : absurdes, grossières, insuffisantes. Mais superposées, elles donnent l'illusion d'être solides. C'est de ce "millefeuille argumentatif" dont il faut se méfier. Les "arguments" derrière les théories du complot sont un kilo de plumes, aussi lourds qu'un kilo de plomb, et ce même s'ils ne résistent pas au moindre coup de vent. 

"La force de ces argumentaires complotistes est dans leur accumulation. On se dit que tout ne peut pas être faux, qu’il n’y a pas de fumée sans feu, qu'une petite vérité se cache dans cette masse de petits arguments."

Cherchez les arguments solides, entiers. Une simple anomalie est insuffisante, une coïncidence aussi. Quant au hasard, il ne fait pas bien les choses quand on cherche à les prouver. 

Esprit de contradiction

Les théories du complot jouent les élèvent modèles : elles sont irréfutables. C'est un de leur plus grand défaut. La science possède un biais de "réfutabilité", c'est la fameuse "exception qui confirme la règle". Les thèses conspirationnistes sont inattaquables car elles sont mal fondées, elles peuvent se contredire et s'adaptent à leurs reproches : "Pile, je gagne. Face, tu perds". 

Sur internet, les hommes politiques débattent et se contredisent, les chiffres changent tous les ans, les études se succèdent et la science évolue. Méfiez-vous des sites qui restent figés, qui n'admettent aucune nuance, qui n'acceptent pas le "oui mais". 

Les cases à cocher

Chaque site sur lequel vous consultez une information doit répondre à trois grands critères. Son nom doit vous être familier, ou validé par des sites familiers. 

Les preuves doivent être multiples. Une réelle révélation comporte plusieurs sources, autant des experts que des personnes qui témoignent, des chiffres remis en question, précisés, nuancés. Les méthodologies des sondages doivent être indiquées, les experts doivent donner leur nom, leur profession ou leurs études.

Quant aux articles accusateurs, ils doivent avoir un contradictoire : si une entreprise, un homme politique, une œuvre... sont critiqués, ils doivent avoir quelques lignes pour se défendre. 

"Il faut se méfier des sites qui partagent des éléments douteux, non fondés, qu’ils sont les seuls à connaître, qui s’opposent toujours aux mêmes personnes."

Enfin, observez les réactions. Gare aux commentaires d'un site douteux s'ils ne font que rajouter du doute : "On sait à qui ça profite", "le grand mensonge finira par être révélé", "Le grand remplacement ne profite qu'à eux" [vrais commentaires]. Même chose, si votre entourage s'interroge sur la fiabilité d'un site que vous consultez : engagez le débat. La science admet volontiers la remise en question là où un complotiste se fermera au moindre doute. 

Laurent Cordonier rappelle qu'à ce jour, "aucun complotiste n'a jamais réussi à mettre à jour un vrai complot".