Il y a deux ans, le frère d’Alexandra a quitté la France pour s’installer à Madagascar. Depuis qu’il appartient au groupe des citoyens souverains, il s’est peu à peu détaché de ses proches. Aujourd’hui, une partie du domaine viticole familial est mise aux enchères à cause de sa marginalisation.
Au début, “ça nous faisait rire”, se souvient Alexandra. La sexagénaire vit entre Agen et Bergerac, où les vignes familiales assurent la production de Monbazillac depuis plusieurs générations. Elle n’a pas repris le domaine après la mort de son père, c’est son frère qui devait s’en occuper. Seulement ce dernier, empêtré dans des croyances complotistes de plus en plus extrêmes, a fini par fuir le pays pour s’installer à Madagascar.
À la dérive
David a toujours été assez marginal, assez enclin à écouter des discours alternatifs. Mais “un gentil garçon”, insiste Alexandra. Les années passant, il s’est tourné vers les médecines douces, les pages Facebook de “réinformation”, les thèses conspirationnistes. Au départ, ses proches en rigolent, raconte la sexagénaire : “Ça a commencé assez jeune. On le prenait plutôt pour un doux-illuminé. Mais après, avec les réseaux sociaux, Internet, le Covid… ça a vraiment accéléré les choses.”
À force de fréquenter des groupes complotistes, le frère d’Alexandra s’est peu à peu isolé. De simples débats en famille, les discussions ont rapidement viré aux disputes. Influencé par Eric Fiorile notamment – une figure de la complosphère qui avait appelé à “marcher sur Paris contre la dictature sanitaire” en 2020 – il adhère peu à peu à la mouvance des citoyens souverains.
Le concept ? Refuser de reconnaître la légitimité de l’État et des institutions, s’émanciper en arrêtant de travailler, de payer des impôts, en brûlant ses papiers d’identité… David s’éloigne peu à peu du domaine familial, et martèle auprès de qui veut bien l’entendre qu’un complot supérieur leur veut du mal. Il arrête de payer ses cotisations à la MSA et se détache de la propriété. Son intérêt est ailleurs. “On n’a pas eu de très belles récoltes ces années-là”, se souvient Alexandra.
Sa vie laissée derrière
Il y a deux ans et demi, David a quitté la propriété familiale pour s’installer à Madagascar avec sa compagne. Il a laissé la maison qu’il avait fait construire sur le domaine, ainsi que la partie qu’il gérait. “Mon père a très très mal vécu le fait qu’il abandonne la propriété. Pour lui, c’était le travail de sa vie, de ses parents, de ses grands-parents.”
“Quand mon père est tombé malade peu de temps après, il ne s’est pas manifesté. Quand il est décédé l’année dernière, il n’est pas revenu non plus.” Cela fait deux ans qu’Alexandra et sa mère n’ont plus de nouvelles de David. Plus de messages, de lettres, de coups de fil… Juste quelques traces de vie sur son profil Facebook.
Il a néanmoins laissé une empreinte indélébile sur le domaine : ses impayés. “Ça fait trente ans qu’il est en procès avec la MSA. La maison et le domaine ont été mis aux enchères à la fin de l’année dernière. La vente aux enchères a été cassée une première fois. Mais c’est à nouveau aux enchères. On l’a appris cette semaine… Et en plus, il ne paye plus d’impôts depuis quatre ou cinq ans”, déplore la sexagénaire.
Reste la rancœur de ses proches, laissés à l’abandon. “Il est prêt à tout perdre. Il est prêt à perdre sa maison, son domaine… Il va trop loin. C’est incompréhensible. J’ai dit adieu à mon frère. Je ne lui pardonnerai jamais de s’être comporté comme il s’est comporté avec nos parents. Ça, c’est impardonnable.”