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"Si je quitte le mouvement je ne pourrai plus voir mes enfants" : dans l'enfer des témoins de Jéhovah

29 août 2024 par
Elise do Marcolino

Membre des témoins de Jéhovah depuis 30 ans, Bastien se force à rester dans la secte pour garder ses proches près de lui. Il raconte comment le mouvement s'immisce dans toutes les sphères de la vie de ses adeptes pour mieux les contrôler. 

Discrétion oblige, Bastien est un prénom modifié. Il a passé les trente dernières années dans les témoins de Jéhovah. Bien qu’il n’adhère plus, en pensée, au mouvement, il se force à continuer de les fréquenter afin de rester en contact avec ses proches. Car tout mutin se voit coupé des adeptes. 

Le mouvement promet une fin du monde imminente. Raison pour laquelle les témoins de Jehovah doivent œuvrer au service de cette communauté et prêcher cette parole. Après l’effondrement, dit leur bible, “les justes posséderont la Terre”. 

Emprise sectaire 

Mais avant l’avenir radieux promis par Jéhovah, les adeptes doivent patiemment attendre la fin du monde. Et ensuite, le reconstruire dans une meilleure version. Ils doivent être prêts à tous les sacrifices pour ce dessein. 

“Si je quitte officiellement le mouvement, je ne pourrai plus jamais voir mes enfants et petits enfants.” L’organisation internationale dérivée du christianisme pratique des règles implacables. Ceux qui sortent se coupent définitivement du groupe, même si leurs enfants lui appartiennent. Ainsi, Bastien se force à rester pour conserver les apparences. “C'est une abominable destruction familiale. Certains se suicident. Les instructions de l'organisation sont claires : plus de contact à vie (sauf pour des affaires familiales chez un notaire par exemple) avec celui qui quitte le mouvement, fut-il votre père, votre mère ou votre enfant”, développe le quinquagénaire. 

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Pour lui, “dérive sectaire est un euphémisme pour parler des pratiques du mouvement”. Et pour cause, l’ostracisme est la règle, la médecine un ennemi, la manipulation mentale une constante. Les adeptes sont forcés de travailler “bénévolement” pour cette secte qui ne dit pas son nom. On les voit, souvent, dans les rues des grandes villes françaises, perchés devant leurs chariots de livres à faire du prosélytisme. Hélas, les membres risquent bien plus que des insolations lors de ces campagnes. Manipulés, ils sont appelés à se consacrer aux témoins de Jéhovah corps et âmes. Et pour la partie “corps”, hors de question de la salir. Vaccins, transfusions sanguines, traitements lourds… y sont largement déconseillés. 

Tout quitter pour la fin du monde

Les bénévoles deviennent des forcenés : “Certains arrêtent leurs études, réduisent leur temps de travail, vendent leur maison pour travailler davantage pour l'organisation ou renoncent à avoir des enfants. Ça ne sert à rien d'envisager une carrière professionnelle puisque la fin du monde est imminente.” C’est là l’un des grands revers du mouvement : puisqu’il prédit une fin du monde proche, que faire d’autre que de le suivre envers et contre tous ? Noé n’en a pas fait moins avec son arche. 

Cette emprise se passe de violence, rappelle Bastien : “C'est une soumission volontaire possible par l'emprise mentale sur les adeptes, convaincus qu'en obéissant à l'organisation, ils obéissent à Dieu et qu'en désobéissant, ils désobéissent à Dieu. Tout cela avec, bien entendu en toile de fond, la peur de la fin du monde imminente, depuis 150 ans, rappelée régulièrement.”

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Officiellement, il ne s’agit pas d’une secte, n’en déplaise à la Miviludes (Mission interministérielle de lutte et de vigilance contre les dérives sectaires). En juin dernier, elle a été condamnée à verser 1 500 euros au mouvement pour “erreur de faits” dans un rapport qui accusait les témoins de Jehovah de dissuader les enfants de faire des études longues et d’empêcher ses membres de faire appel à la justice. L'antenne du ministère de l'Intérieur a perdu ce combat. Reste que l'organisation continue de détruire des familles, même si elle se défend d'exercer la moindre pression sur ses adeptes.